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Clémence Sophie de Sermézy (Lyon, 1767-Charentay, 1850), attribué à
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Clémence Sophie de Sermézy (Lyon, 1767-Charentay, 1850), attribué à
Portrait de Juliette Récamier (1777-1849) d'après Jacques-Louis David
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Object N° 1632

Terre cuite.

Vers 1825-1835.

Bon état, légères restaurations.

H. 30.6 x L. 31.2 x P. 16.8 cm.

Provenance

Collection privée, France.

Historique

L'un des tableaux les plus connus du musée du Louvre, oeuvre du peintre néoclassique le plus célèbre d'Europe qu'est Jacques Louis David (1748-1825), est celui de Jeanne-Françoise Julie Adélaïde Récamier (1777-1849), appelée Juliette Récamier, qui était l'épouse d'un riche banquier lyonnais (ill. 1). Dans ce portrait inachevé, David dépeint la Récamier « à l'antique », gracieusement allongée sur une méridienne pompéienne, la tête tournée vers le spectateur, vêtu d'une robe blanche sans manches de style antique rappelant la romance classique des sculptures telles que Cléopâtre et de nombreuses autres figures féminines couchées. L'espace vierge, sa palette de couleurs simple et la sensualité du modèle ont fait de ce tableau un avant-gardisme extrême pour l'année 1800, il a d'ailleurs reçu une notoriété instantanée.

Juliette Récamier (1777-1849)

Fille unique de Jean Bernard, conseiller du Roi et notaire à Lyon, et de Julie Matton, Juliette Récamier a fait ses études brièvement au Couvent de la Déserte à Lyon, avant de s'installer à Paris avec sa famille. En 1793, à l'âge de 15 ans, elle se marie à Jacques-Rose Récamier (1751-1830), près de 30 ans son aîné. Il était un parent de l'avocat et homme politique Jean Anthelme Brillat-Savarin (1755-1826) et plus tard l'un des principaux bailleurs de fonds du Premier Consul Bonaparte. Le couple incarnait rapidement l'ascension sociale de la nouvelle élite post-révolutionnaire ; leur hôtel particulier de la rue du Mont-Blanc a été restauré par l'architecte Charles Percier (1764-1838) et meublé par l'ébéniste Georges Jacob (1739-1814) et son fils.

Bien que jeune, timide et modeste, la Récamier était réputée belle et accomplie. Elle eut bientôt son propre salon, qui devint rapidement à la mode et connu comme l'un des principaux salons de membres littéraires et politiques de la société parisienne. Au zénith de son succès, elle a diverti de nombreux personnages distingués tels que Madame de Staël (1766-1817), Adrien de Montmorency (1768-1837), Anne-Louis Girodet (1767-1824) et de nombreux écrivains et politiciens, dont certains, comme le militant politique suisse-français Benjamin Constant (1767-1830) et le diplomate François-René de Chateaubriand (1768-1848), tombent amoureux avec passion.

Napoléon ferma son salon en 1803 en raison d'activités déloyales envers l'État et de sentiments antigouvernementaux. Huit ans plus tard, il bannit Madame Récamier de Paris, qui s'installe ensuite à Châlons-sur-Marne avant de vivre à Lyon et de se rendre en Italie, en 1813. Après la chute de Napoléon en 1814 et la restauration des Bourbons, elle revient à Paris et s'installe chez elle à l'Abbaye-aux-Bois, où elle continue de recevoir des admirateurs. Dans une grande unité au premier étage, elle et François-René de Chateaubriand ont accueilli un salon qui est devenu l'un des plus grands du monde pour la littérature européenne. Il a renforcé la reconnaissance d'un certain nombre de jeunes écrivains qui y ont participé, notamment Alphonse de Lamartine (1790-1869), Honoré de Balzac (1799-1850) et Charles Augustin Sainte-Beuve (1804-1869).

Juliette Récamier décède en 1849 à l'âge de 71 ans. Sa grâce est attestée par cette phrase de Chateaubriand citant Benjamin Constant : « Sa beauté l’a d’abord faite admirée ; son âme s’est ensuite fait connaître, et son âme a encore parue supérieure à sa beauté. L’habitude de la société a fourni à son esprit le moyen de se déployer et son esprit n’est resté au-dessous ni de sa beauté, ni de son âme ».

Iconographie

Juliette Récamier a créé une image d'elle-même de beauté et de muse qui se sont répandues à travers l'Europe. Elle a été représentée par de nombreux artistes de son temps, tels que les sculpteurs Joseph Chinard (1756-1813) et Antonio Canova (1758-1824), ainsi que les peintres Jean-Baptiste Augustin, François Gérard et Antoine-Jean Gros. Notre terre cuite particulière peut être attribuée au cercle du sculpteur lyonnais Joseph Chinard, connu pour avoir réalisé plusieurs bustes et médaillons de Juliette Récamier (ill. 2 et 3). C'est certainement lors d'un de ses séjours à Paris que Chinard exécute son premier modèle. L'artiste arrive dans la capitale française au milieu des années 1790 et est notamment accueilli par le couple Récamier en 1801-1802, qui reçoit alors les moules de l'un des médaillons des Chinard: "Monsieur Récamier a conservé les moules, peut-être réutilisables, dans une armoire verrouillée quand une copie devait être offerte dans le cercle d'amis ou les relations du couple".

Cependant, le présent travail ne peut être attribué à Chinard. De nombreuses autres terres cuites de sa main confirment cette opinion. Il convient de noter en particulier la différence de manipulation de la matière, les détails typiquement anti-Chinard et plus tardifs dans le XIXe siècle tels que les fleurs, les volants dans son vêtement à la poitrine, les plis ronds de la robe (en particulier aux extrémités), le manque d'expression précise sur le visage, ainsi que l'absence de détails redondants, appliqués l'argile humide avant la cuisson. Notre terre cuite manque également de la délicatesse et de la netteté des formes et des contours, qui est si typique des œuvres de Chinard. Cependant, il s'agit bien d'un travail du début du XIXe siècle, réalisée dans un style rappelant celui du maître, et pourrait donc être attribué à un autre artiste français de cette période particulière.

Étant donné que le portrait de David fait en 1800 resta dans son atelier inachevé, et qu'il n'a peut-être été vu par le grand public qu'après son entrée au Louvre en 1826, notre œuvre a pu être réalisée par un sculpteur qui connaissait l'œuvre de Chinard et qui vivait dans le début du XIXe siècle. Cela nous amène à penser à la sculptrice lyonnaise Clémence Sophie de Sermézy (1767-1850), élève de Chinard.

Clémence Sophie de Sermézy (1767-1850)

Fille de Pierre-Clément Daudignac et de Magdelaine Simonard, Clémence Daudignac appartenait à une famille aisée de la haute société lyonnaise. Son père était administrateur de l'Octroi, titré Directeur et receveur général des droits royaux et patrimoniaux de Lyon. L'oncle de sa mère était un certain M. Simonard, un grand ami du père de Juliette Récamier, avec qui de Sermézy deviendrait plus tard amie. On ne sait rien de ses premières années, sauf du fait qu'elle devint de Sermézy en épousant Marc Antoine Noyel de Béreins, comte de Sermézy, en 1789.

Dans les années 1790, de Sermézy devient l'élève de Chinard et commence à développer ses activités sculpturales. sa première oeuvre serait un médaillon représentant une jeune femme en Diane, datée de 1792. Elle acquit rapidement une certaine renommée locale en tant que sculpteur. Elle devient membre associé de l'Académie de Lyon en 1818, et à l'occasion d'une exposition au profit des chômeurs en 1827, elle envoie neuf croquis en terre cuite à la mairie de Lyon, ainsi que son portrait réalisé par Pierre Révoil (ill. 4) et la sculpture "Une dame jouant de la harpe" de Joseph Chinard. Ces œuvres ont été les seules exposées de son vivant par l'artiste, qui n'a plus jamais fait partager son art. Cependant, sa grande carrière comprend un grand nombre de statuettes, de sculptures religieuses et de beaux bustes, comme celui d'Eudoxie Deschamps de Villeneuve (1824) ou encore le Portrait de Madame Révoil (1837). Les nombreux portraits de célébrités lyonnaises qu'elle a réalisés ont permis d'identifier plusieurs de ses contemporains. Une partie de l'œuvre de Sermézy est désormais exposée au Salon des Fleurs du Musée des Beaux-Arts de Lyon.

De Sermézy a également dirigé, elle aussi, un salon qui est devenu dans la première moitié du XIXe siècle un centre artistique et culturel de la ville de Lyon et où se sont rassemblées des personnalités illustres de son temps, comme Joseph Chinard, les peintres Pierre Révoil (1776-1842) et Fleury François Richard (1777-1852), Jean-François Bellay (1790-1858) et les politiciens Camille Jordan (1771-1821) et Jean-Baptiste Dugas-Montbel (1776-1834). Des personnalités illustres hors de la ville de Lyon se sont également rendues dans son salon, comme François-Joseph Talma (1763-1826), Mathieu de Montmorency-Laval (1766-1826) et Germaine de Staël. On dit même que Juliette Récamier l'a rejointe pendant son exil, mais cette référence doit être vérifiée (Portraitistes lyonnais 1814-1914, catalogue d'exposition, Musée des Beaux-Arts, Lyon, 1986).

Plusieurs compositions similaires en terre cuite de De Sermézy sont connues, de beaux exemples sont : Figure funéraire (1810, ill. 5), La Consultation (1821, ill. 6) et Dame conseillant un page ou Jehan de Saintré et la Dame des Belles Cousines (1824, ill. 7).

Le présent travail montre certaines similitudes dans la manipulation des matériaux mous, le sujet et la composition globale des oeuvres de l'artiste de 1820, tels que dans Le roi David jouant de la lyre (1825), Pierre de Provence et La belle Maguelonne (1829) ou Homme tenant une fillette sur ses genoux (date inconnue, ill. 8). Mais il se rapproche plus dans certains détails des oeuvres de la fin des années 1820 de l'artiste voire vers 1830, notamment dans certains contours et le manque de précision des lignes.

Œuvre en rapport

Un tirage en biscuit d'après notre terre cuite se trouvait anciennement dans la collection de Lady Charlotte Mosley (née en 1952), belle-fille de Diana Mitford, éditeur et journaliste (ill. 9).