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Paul-Louis Cyfflé (Bruges, 1724-Ixelles, 1806)
SOLD
Paul-Louis Cyfflé (Bruges, 1724-Ixelles, 1806)
Buste de Voltaire, 1786
SOLD
Object N° 1850

Faïence, proche de la terre de Lorraine.

François-Marie Arouet dit Voltaire (1694-1778) est figuré la tête tournée légèrement à sa droite, portant une longue perruque bouclée, une chemise à jabot en dentelle et une veste déboutonnée sous laquelle on entrevoit un gilet. Ses épaules sont recouvertes d’un manteau dont les plis dévoilent la fourrure. Le visage allongé et les traits creusés de vieil homme contrastent avec le front bombé, le regard vif et les lèvres serrées esquissant un sourire railleur qui traduisent l’intelligence et la malice du personnage. La base du piédouche reçoit deux larges guirlandes de lauriers en haut-relief. Il repose sur un socle circulaire demi-colonne, sans le trophée en applique symbolisant les Arts que l'on retrouve habituellement sur le modèle.

Légers éclats au socle.

Hastière-Lavaux (comté de Namur, Belgique), XVIIIe siècle, daté 1786.

Marquée en creux au revers : « Hastiere 1786 ».

H. 28,5 cm.

Oeuvres en rapport

- Un buste en terre de Lorraine, identique mais orné d'un trophée des Arts appliqué, avec cachet "Cyffle à Lunéville" (1767-1779), est conservé au Victoria & Albert Museum de Londres (inv. C.685-1909) (ill. 4).

- Un buste en terre de Lorraine (h. 24,8 cm), identique mais orné d'un trophée des Arts appliqué, avec cachet "Terre de Lorraine" (1767-1779), est conservé au Metropolitan Museum de New-York (inv. 68.82) (ill. 5).

- Un buste en biscuit de porcelaine hybride (h. 22,5 cm), identique mais orné d'un trophée des Arts appliqué, sans cachet mais avec initiales en creux (1767-1779), est conservé au Musée lorrain de Nancy (inv. 95.875) (ill. 6).

- Un buste en terre de Lorraine (h. 28 cm), identique mais orné d'un trophée des Arts appliqué, avec cachet "Cyffle à Lunéville" (1767-1779), vendu chez Crait & Muller, Drouot, 7 juillet 2017, lot 311, adjugé 3 024 €.

Historique

D'origine brugeoise, Paul-Louis Cyfflé vint s'installer à la cour ducale de Lorraine entre 1745 et 1748, en tant qu'élève du « sculpteur et architecte ordinaire du roi » Barthélémy Guibal (1699-1757), qu'il secondera notamment pour la statue du roi Louis XV sur l'actuelle place Stanislas (ancienne place royale) de Nancy. À la mort de son maître, il est nommé sculpteur officiel du duc Stanislas en 1757. Cyfflé obtient en 1768 un privilège du roi Louis XV pour fonder sa propre manufacture à Lunéville, à la production de faïences fines à pâte très blanche dite "terre de Lorraine" ou "terre de pipe". En 1777, il quitte la manufacture qui cesse son activité en 1779. Après un retour à Bruxelles puis à Bruges, ponctué d'échecs, il établit un atelier en 1783 à Hastière-Lavaux, avec sa femme et son plus jeune fils Louis, sans réel succès. Les temps révolutionnaires n'étaient pas propices au type de production voulu par Cyfflé. Il finira sa vie à Ixelles à partir de 1791.

François-Marie Arouet, dit Voltaire (1694-1778), séjourne à plusieurs reprises à la cour de Lorraine. Après le scandale de la publication des Lettres philosophiques, en 1734, il quitte Paris et se réfugie au château de Cirey (Haute-Marne), auprès de son amie et maîtresse Émilie de Breteuil, marquise du Châtelet (1706-1749). En 1735, le philosophe se rend une première fois seul à Lunéville, à la cour de Léopold Ier, puis y retourne en 1748 en compagnie d’Émilie du Châtelet. C'est au cours de ce voyage que Cyfflé a réalisé le modèle de notre buste.

À la cour du duc Stanislas Leszczynski, Voltaire rencontre de nombreux esprits éclairés, réunis autour de la marquise de Boufflers, dont le poète François-Antoine Devaux dit Panpan (1712-1796) ou encore Jean-François, marquis de Saint-Lambert (1716-1803) qui devient le nouvel amant de la marquise du Châtelet. Le 10 septembre 1749, cette dernière décède des suites d’un accouchement. Très affecté, il quitte définitivement Lunéville cette même année.

De nombreux sculpteurs ont immortalisé les traits de Voltaire dont Jean-Baptiste II Lemoyne (1704-1778), auteur d’un buste en marbre conservé à l’abbaye royale de Chaalis (ill. 7), ou Jean-Antoine Houdon (1741-1828), qui a réalisé deux modèles de buste, l’un en habit contemporain et perruque (ill. 8), l’autre le torse tronqué, tête nue, à la manière des philosophes antiques (musée du Louvre, inv. RF3520, ill. 9). Si Houdon a obtenu quelques séances de pose à Paris en 1778, il n’est pas certain que Paul-Louis Cyfflé, alors élève de Barthélémy Guibal lors du second séjour de Voltaire à Lunéville en 1748, ait eu ce privilège. Il a toutefois pu rencontrer le philosophe à cette occasion. L’œuvre de Cyfflé a connu un tel succès qu’elle a été reproduite et assez largement diffusée.

Littérature

- Maurice NOËL, « Recherches sur la céramique lorraine au XVIIIe siècle », thèse non publiée, Université de Nancy, 1961, p. 183.

- Maurice NOËL, « Les biscuits de Cyfflé, étude de thèmes », La Lorraine dans l’Europe des Lumières, Actes du colloque de la Faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université de Nancy, 1968, p. 183.

- Maurice NOËL, « Les acquéreurs de statuettes en terre de Lorraine », Le Pays lorrain, Nancy, 1998, p. 39.

- Maïté HORIOT, Paul-Louis Cyfflé et les terres de Lorraine aux XVIIIe-XIXe siècles dans les collections du Musée Historique Lorrain, mémoire de maîtrise d’histoire de l’art sous la direction de François PUPIL et Francine ROZE, Université de Nancy 2, 2002-2003, pp. 175-176, n°84.

- Catherine CALAME, Cyfflé, orfèvre de l’argile. Ses statuettes en terre de Lorraine et les reprises par les manufactures régionales [cat. exp., « Cyfflé, orfèvre de l’argile », Saint-Clément, 1er août-17 août 2009], Lunéville, Association des Amis de la Faïence ancienne de Lunéville Saint-Clément, Office de Tourisme et château des Lumières, 2009, pp. 12, 13, 95, 96, 177.

- Catherine CALAME et Marino MAGGETTI, « Paul-Louis Cyfflé et ses recettes de Terre de Lorraine », Revue de la société des amis du Musée national de la céramique, n°21, 2012, p.74-86.

- Marino MAGGETTI, « La « Terre de Lorraine » de Paul Louis Cyfflé (1724-1806) », En passant par la Lorraine, Keramik-Freunde des Schweiz, n° 126, 2012, p.91-94.

- Frédéric THOMAES et Andries VAN DEN ABEELE, « Paul Louis Cyfflé (1724-1806), un Brugeois en Lorraine », Le Parchemin, mars-avril 2008, p. 82-128.