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Pierre Henri DANLOUX (Paris, 1753-1809).
SOLD
Pierre Henri DANLOUX (Paris, 1753-1809).
Portrait de Monsieur, Comte d'Artois, assis à son bureau au château d'Holyrood.
SOLD
Object N° 1690

Huile sur toile (d'origine).

Circa 1797.

Annoté au dos du châssis : de Sérent.

Dans un cadre de la fin de l'époque Louis XVI en chêne et pâte doré dit à double gorges à décor de rais de coeurs, rais de perles et frise de feuilles d'acanthes.

H. 44 x L. 35 cm.

Provenance

- Commandé en 1797 par Armand-Louis de Sérent de Kerfily (1736-1822), selon l’inscription « de Sérent » au dos du tableau.

- Collection privée française.

Littérature

Baron Roger Portalis, Danloux et son journal durant l’émigration (1753-1809), Société des Bibliophiles François, 1910, pp. 381-385-386-388.

Historique

Notre tableau représentant le comte d’Artois assis à son bureau durant son exil en Écosse au château d’Holyrood, fut commandé par le marquis de Sérent de Kerfily, précepteur des enfants du Comte d'Artois, les ducs d'Angoulême et de Berry (par ordre du roi Louis XVI en 1780). Il fut semble-t-il achevé le 3 août 1797 par Danloux (Portalis, p. 381). Contrairement aux autres portraits du Comte d’Artois réalisés par Danloux, "Monsieur" n'est pas représenté en uniforme mais en tenue civile, aucune décoration n'est portée par le futur monarque. Une certaine sobriété se dégage de ce tableau, rien ne laisse ici penser que ce prince du Sang émigré en Ecosse, quittera sa chaise de style « Régency » en faux-bambou pour s’asseoir le 16 septembre 1824 sur le trône de France, laissé vacant par ses frères Louis XVI puis Louis XVIII. Porte-plume en main, interrompu dans sa réflexion, le futur Charles X est représenté en homme éclairé avec la simplicité et le sérieux qui caractérise l’idéal post-révolutionnaire. La pose s'inspire du chef-d'œuvre de l'artiste, le portrait de Jean-François de La Marche (1729-1805), comte-évêque de Saint-Pol de Léon, émigré en Angleterre en 1791, peint à Londres en 1793 et exposé au Salon de 1814 (ill. 1). Danloux reprendra cette atmosphère dans le portrait de M. Gardiner de 1802 (vendu chez Sotheby's NY, 28 février 1990, lot 7).

Le visage du futur roi est ici identique à celui que l’on trouve dans le portrait original que l'artiste réalisa en septembre 1796, en même temps qu'un portrait de son fils le duc d'Angoulême (ill. 2 et 3). Ces portraits commandés par le Comte d'Artois seront conservés par lui jusqu'en 1830, date à laquelle ils sont définitivement placés au château de Versailles (inv. MV6922 et 6923). Le père et son fils sont figurés en buste de trois-quarts, respectivement en uniforme de colonel-général des Suisses et du régiment Angoulême-Dragons, portant leurs décorations (à noter que le portrait du duc d'Angoulême de Versailles est une huile sur bois, chacune mesurant 27 x 22 cm).

L'artiste réalisa tout de suite deux répliques de chaque portrait, les représentant également en buste et en uniforme, que le Comte d'Artois paiera 150 guinées + 50 guinées offerts à l'artiste. Ceux figurant le Comte d'Artois (ou les 2?) seront donnés par lui-même aux Comtes de Vaudreuil (vendu aux enchères à Paris le 20 juin 2007 chez Tajan, repassé chez Sotheby's Londres, 24 avril 2008, lot 118, signé et daté 1798, mesurant 25 x 19,5 cm) et des Cars (collection de la famille des Cars en 1910). Celui de ce-dernier sera d'ailleurs gravé.

Ces copies de portraits originaux que Danloux dénomme portraits "en petit", réalisés pour une clientèle d’exilés politique, ne sont en général jamais signés, tout comme la majorité des portraits réalisés en exil. "Ce phénomène est assez fréquent dans la patriotique Angleterre, qui n'admet pas, à cent ans de distance, qu'un Français ait pu peindre quelqu'un de leur pays" (Portalis, p. 372).

Puis, deux autres répliques de chacun des portraits seront peintes par l'artiste, vraisemblablement toutes les figurant en pied et apparemment en civil, "répliques ignorées de portraits historiques que l’on retrouvera un jour" (Portalis, p. 373). Danloux reprend ainsi les visages de ses portraits originaux, mais pour peindre le reste du corps, il s'inspire de modèles. Celles d'Angoulême sont réalisées avec un certain M. Hoteman comme modèle (Portalis, p. 388), celles d'Artois avec M. de Jousserans et possiblement l'abbé de Lubersac. Les commanditaires des portraits d'Angoulême sont la Duchesse de Buccleugh et Lord Moira, ceux des portraits d'Artois sont Lord Moira et le Duc de Sérent.

On apprend ainsi dans son journal que le 2 août 1797, Danloux travaille à la copie du portrait "du duc de Sérent". Le 3, il revient "travailler pour finir la copie du Duc de Sérent" (Portalis, p. 381). Le 7, il écrit une lettre à Mme de Polastron et au Duc de Sérent, pour savoir s'il faut leur envoyer "leurs petites copies" (notons que Danloux a portraituré également Louise de Polastron, belle-soeur de Gabrielle de Polignac et maîtresse du Comte d'Artois, vendu chez Libert le 5 décembre 2008, lot 14, mesurant 27 x 21,5 cm). Le 22 août, "M. Dejean" apporte 8 guinées à l'artiste de la part du Duc de Sérent "pour la copie de son petit portrait" (Portalis, p. 386).

Notre portrait ne serait pas le seul représentant Artois en tenue civile puisque le 14 août, l'abbé de Lubersac (1730-1804) sert de modèle pour les habits d'un portrait de Monsieur (vraisemblablement un autre), et le 19, il travaille aux habits du "petit portrait" de Monsieur, "d'après le Comte de Jousserans qui me servit de modèle" (Portalis, p. 385). Le 25, il fait la main et le 26, la manche, "d'après M. de Jousserans", le 28, l'habit et le 29, l'épée, la main et le chapeau. Le 1er septembre, il finit le cordon bleu de Monsieur d'après un que le Duc de Bourbon lui a prêté (Portalis, p. 388). Le 2, il travaille par ailleurs aux gants du portrait en pied du Duc de Bourbon (Chantilly, inv. PE417), d'après M. de Jousserans (ill. 4). Ce même jour, il paye ce-dernier 41 shellings pour les "dix jours de pose qu'il m'a servi pour le tableau de Monsieur". Le 3, il réalise "d'après lui" les cuisses du portrait de Monsieur. Le 5, on apprend que le Duc d'Angoulême aurait lui aussi été représenté en civil puisque Danloux peint "d'après Hotman le bras droit, la main et le chapeau du Duc d'Angoulême". Peut-être s'agit-il du portrait d'un inconnu vendu chez Tajan, 23 mars 2000, lot 52, mesurant 38 x 32 cm.

Le 15, il travaille à finir "les petits portraits des princes" pour la duchesse de Buccleugh. Le 22, il commence un portrait du fils du Duc de Sérent, le comte Armand-Sigismond de Sérent, tué en 1796 pendant la guerre de Vendée (p. 392).

Rappelons que Danloux rencontre Armand-Louis de Sérent de Kerfily (1741-1824) le 15 décembre 1795 lors d’un dîner. Suite à une conversation sur la peinture qu’il eut avec les convives, le peintre décrit le duc comme « quelqu’un qui cherche à s’instruire et tire parti de tout ce qu’on dit » (Portalis, p. 67). Sérent, titré officiellement duc à partir de 1814 et devenu gouverneur du château de Rambouillet, sera amené à prendre part au règne de Charles X en siégeant à partir du 4 juin 1814 à la chambre des Pairs, liant ainsi le commanditaire et le modèle de notre tableau à l’histoire politique de la France.

Nous remercions M. Olivier Meslay, directeur du Clark Art Institute à Williamstown (USA) et spécialiste de Danloux, pour avoir confirmé l'authenticité de cette œuvre.