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Rare paire de chaises par Georges JACOB (1739-1814)
SOLD
Rare paire de chaises par Georges JACOB (1739-1814)
Livrées pour le Comte d’Artois au Château-Neuf de Saint-Germain-en-Laye
SOLD
Object N° 1861

Époque de Louis XVI, vers 1777-1780.

H. 91 x L. 51,5 x P. 48,5 cm.

Ces chaises, classiques du répertoire Louis XVI, sont en bois laqué à dossier en chapeau légèrement cintré, à anse de panier, les pieds cannelés rudentés, la ceinture galbée ; le dossier et la ceinture à décor de tors de ruban.

Jacob est reconnu comme le plus talentueux et le plus célèbre menuisier de la fin du XVIIIe siècle. Il nous livre ici tout son talent par un dessin du siège particulièrement réussi, du dossier légèrement cintré et de l’assise galbée, évitant ainsi la raideur trop sèche d’une chaise courante Louis XVI. À noter que ce galbe de la ceinture des côtés, rejoignant le dès de raccordement arrière, nécessite une section de bois plus importante. La fleurette inscrite dans les dès est encore sculptée dans la masse, contrairement aux oeuvres plus tardives et de série, où s’applique une marguerite préfabriquée.

Parmi sa clientèle prestigieuse, figure, et non des moindres, le Comte d’Artois qui lui confie de nombreuses commandes pour remeubler ses différents châteaux. C’est en 1777 que le Comte d’Artois devient propriétaire de plusieurs résidences, tels Saint-Germain ou Bagatelle, et qu’il doit donc meubler au goût du jour. Nous pouvons dater cette paire de chaises des années 1777-1780.

Chacune d’entre elles ont la ceinture avant marquée au feu des initiales en lettres anglaises AT, pour Artois et GM en lettres d’imprimerie, pour garde meuble, ainsi que SG sous couronne ouverte à trois fleurs de lys pour Saint-Germain ; elles sont estampillées de G. Jacob. S’il s’est ici adressé à ce-dernier, on sait que Nadal l’ainé et Boulard, faisaient aussi partie de ses principaux fournisseurs.

Ces chaises sont un rare témoignage des collections du Comte d’Artois, a fortiori pour le Château-Neuf de Saint-Germain.

Provenance

- Charles-Philippe de France, comte d’Artois (1757-1836), au Château-neuf de Saint-Germain-en-Laye.

- Collection particulière française.

Oeuvres en rapport

Quatre chaises avec les mêmes marques pour le Comte d’Artois à Saint-Germain, en bois doré à dossier en médaillon par Nadal l’ainé, sont dans les collections du Mobilier national (inv. GMT-24458).

Historique

Le château Neuf de Saint Germain, aujourd'hui détruit en grande partie, était une résidence royale du XVIIe siècle, de 1659 à 1680, année où la cour regagne le château Vieux à proximité. Commandé par Henri II et Catherine de Médicis, et réalisé par Philibert Delorme, ce château est encore agrandi par Henri IV et voit naître Louis XIV.

C'est un corps de bâtiment allongé au rez de chaussée, formé de 4 pavillons, construit sur une grande esplanade, sur un terrain en pente qui offre un vaste et magnifique panorama vers la Seine.

Louis XVI donne en 1777 le château Neuf, en état de vétusté, à son jeune frère le Comte d'Artois qui projette démolition et reconstruction par l'entremise de ses architectes Boullée et Bélanger. La révolution de 1789 mettra un terme à tous ses plans pour déclarer le château, bien national, du fait de l'émigration du Comte d'Artois.

Il est ensuite démoli en grande partie, et le parc loti. Ne subsistent aujourd'hui que quelques vestiges, comme les pavillons Henri IV et Sully, et une terrasse et ses deux rampes.

Dès 1777, la multiplicité des domaines et châteaux du Comte d'Artois, nécessite la gestion des collections mobilières par la création du garde meuble du Comte d'Artois ; en effet, le Prince dispose du Temple à Paris, hérité du Prince de Conti, du château Neuf de Saint Germain, des châteaux de Maisons et de Bagatelle, pour les plus importants.

L'ameublement ne relevait pas du garde meuble de la Couronne, mais du garde meuble privé du Comte d'Artois, sous la direction de Pierre-Thomas Jubault (1742-1837), issu d'une famille de serruriers du garde-meuble du Roi à Versailles. On le retrouve en 1775, garde meuble et concierge du Comte d'Artois, il réside au Palais du Temple à Paris, dont le Comte d'Artois avait l'usufruit pendant la minorité de son fils le Duc d'Angoulême. Il a en charge la gestion et l'achat du mobilier et il est le donneur d'ordre des commandes. Cette administration, n'atteignant cependant pas la précision de celle de la Couronne, nous ne connaissons pas à ce jour d'inventaires généraux ou particuliers des meubles.

C'est Jubault qui va mettre en place l’apposition des marques pour distinguer les lieux d'origine de chaque meuble, et c'est Laurent-Augustin Gariby, en logement de fonction également au Temple (puisqu'il était serrurier du Prince de Conti) qui est l'auteur des fers pour marquer les meubles des collections d'Artois : "Deux marques d'acier... avec une poignée de bois pour les tenir lorsqu'elles sont rouges" (Archives d'apanage d'Artois aux Archives Nationales, série R1 319).

Chaque résidence avait les lettres correspondantes, ainsi B sous couronne ouverte pour Bagatelle, M pour Maisons, T pour Temple, E P pour les écuries de Paris, et E W pour celles de Versailles, et enfin S G pour Saint-Germain. Les meubles sont ainsi marqués au fer des lettres anglaises AT pour Artois ou CDA pour Charles d'Artois, sous couronne fermée.

Littérature

- Antiquaires à Paris, sous la dir. de Didier Aaron, La folie d'Artois, 1988, p. 96 et 114.

- Delphine LAMAZOU, Le mobilier du Comte d'Artois entre 1757 et 1789, in : Bagatelle dans ses jardins, action artistique de la ville de Paris - Amis de Bagatelle, 1997.